Conclusions et perspectives

Tout au long de cet ouvrage, nous avons présenté une technique qui permettait de visualiser les trajectoires des particules en considérant leur structure électronique. Cette technique n'était pas envisageable il y a encore quelques années, compte tenu du volume de calculs mis en jeu. Nous avons présenté une technique mathématique pour trouver la répartition des fonctions d'onde électroniques dans les agrégats de $ Si_nH_m$ . Cette répartition électronique a ensuite permis de trouver les forces qui agissaient sur les noyaux. Dans un algorithme de calcul de trajectoires classique, nous avons donc déduit le mouvement des atomes dans le potentiel calculé de façon quantique. Avec cette description, nous avons étudié les réactions chimiques, qui ont lieu entre deux produits pour une énergie d'impact donnée. Avec cette description des réactions chimiques nous pouvons trouver tous les produits possibles lors d'une réaction entre deux réactifs.

Nous avons vu sur un modèle de croissance d'une chaîne linéaire, que la conservation de l'histoire de la formation d'un produit issu de réactions successives minimisant l'énergie de surface ne forme pas, en général, un composé dans un état qui correspond à un minimum global d'énergie. En effet à l'état naturel, les corps sont rarement dans un état décrivant un minimum d'énergie potentielle. Nous avons décrit cet effet sur un modèle de croissance d'une chaîne linéaire et avons vu numériquement la façon dont le niveau de Fermi pilotait la croissance à température nulle. Nous avons ensuite simulé une croissance d'agrégat de silicium hydrogéné dans des conditions expérimentales proches à celles des réacteurs de notre laboratoire pour voir, de la même façon que pour la croissance d'une chaîne linéaire que les structures résultantes n'étaient pas toujours des structures correspondant à un minimum global d'énergie. Après la description des conditions expérimentales menant à la croissance d'agrégats $ Si_nH_m$ dans les réacteurs plasma, nous avons simulé la croissance d'agrégats de différentes tailles nanométriques. Les agrégats ainsi obtenus sont tous constitués d'un coeur de silicium plus ou moins recouvert par de l'hydrogène. Nous avons ensuite cherché à comprendre les modifications de la structure des agrégats sous l'effet de l'hydrogène atomique. Nous avons donc regardé les différents mécanismes énergétiques qui entraient en jeu dans leur cristallisation. Des études expérimentales de mécanismes de recombinaison avec des surfaces de silicium deutéré de différentes orientations ont montré des proportions de mécanismes compatibles avec les proportions obtenues en simulation sur la surface de nos agrégats.

L'étude des variations de température des agrégats à permis de voir que les différentes réactions pouvant avoir lieu étaient très complexes. En effet les variations de température des agrégats ne sont pas simplement le résultat du transfert de l'énergie cinétique des atomes incidents. Elles sont plutôt le résultat d'un bilan énergétique des variations d'enthalpie de toutes les liaisons créées ou détruites. Nous avons donc déduit que l'échauffement de l'agrégat dépend du nombre de coordination de l'atome de silicium ayant une réaction chimique avec l'atome d'hydrogène incident. En effet, la population des modes de vibration des atomes de l'agrégat dépendent des liaisons de l'atome de silicium récepteur, ou plus précisément du nombre d'électrons dont il dispose pour créer une liaison. Nous voyons que la valeur de l'énergie potentielle des liaisons entre l'atome de silicium, récepteur de l'atome d'hydrogène, et les atomes de silicium voisins sera fortement modifiée uniquement si cet atome de silicium récepteur ne dispose pas directement d'un électron à mettre en commun avec l'atome d'hydrogène incident pour former une liaison. Ainsi, nous pouvons voir apparaître des modes de vibrations particuliers, dans la vitesse quadratique moyenne des atomes de l'agrégat lorsque l'atome de silicium récepteur de l'agrégat possède une configuration électronique particulière. Par exemple, nous voyons que lorsqu'un atome de silicium récepteur d'un atome d'hydrogène possède un électron pour former une liaison avec un atome d'hydrogène incident, l'énergie de vibration de la liaison formée met plus longtemps à être transmise à la structure. Il s'en suit un mode de vibration très localisé dans la nouvelle liaison $ Si-H$ .

L'énergie vibrationnelle des atomes de l'agrégat étant des données importantes pour la cristallisation des agrégats, nous avons décidé de voir les proportions des agrégats de $ Si_nH_m$ qui étaient mieux ordonnés lors de réactions successives avec l'hydrogène atomique. Par une analyse basée sur les variations temporelles de la fonction de corrélation de paires d'un agrégat soumis à un flux d'hydrogène atomique, nous avons vu que la cristallisation des agrégats n'avait lieu ni pour tous les flux d'impacts, ni pour toutes les tailles "n" des agrégats. La visualisation simultanée des structures et des variations de leur fonction de corrélation de paires nous ont fait remarquer que certaines structures changent de forme au fur et à mesure des impacts avec les atomes d'hydrogène incidents, et que d'autres sont stables et ne changent pas. Les structures qui étaient stables avaient un nombre d'atomes de silicium "n" particulier. Ces nombres "n" dit "magiques" permettent de comprendre que les structures les plus stables sont les structures qui ont la possibilité de maximiser les nombres de coordination de tous les atomes de silicium de la structure. Ainsi, seules certaines structures particulières permettent de maximiser les nombres de coordinations de tous les atomes de l'agrégat.

Enfin, notre expédition dans la compréhension de la matière, et surtout dans la façon dont elle peut s'auto-organiser, nous à conduit à la prédiction d'un processus menant à l'apparition de structures très stables constituées d'empilement de trois anneaux avec un atome de silicium entre ces anneaux. Ces structures possèdent un moment dipolaire très fort capable d'orienter ces "blocs" stables entre eux pour former une structure filaire, qui est aussi une structure stable. Nous pouvons donc voir un mécanisme de croissance de nanofils de silicium par l'auto-organisation de ces blocs stables. Ces structures constituent, de par leur taille, une limite pour notre programme. Il est donc nécessaire de poursuivre l'étude de la croissance avec l'utilisation d'autres outils de modélisation. Nous pouvons, par exemple, avoir recours à des potentiels de type Stillinger-Weber [107] pour effectuer un calcul de la dynamique moléculaire plus rapidement. De plus, nous n'avons pas regarder l'effet des charges sur la formation et la cristallisation des agrégats. Nous avons en effet supposé que les agrégats n'étaient pas chargés pendant la croissance. Or nous savons que dans le plasma, les agrégats sont soumis à des fluctuations de charges qui pourraient avoir des effets non négligeables. Des études sur ce point seraient donc nécessaire.

L'emploi des plasmas dans l'électronique grande surface permet d'imaginer la création de composants opto-électroniques à partir des résultats de cette étude. En effet, il a été montré récemment que des nano-cristaux de silicium avaient la possibilité de subir une émission stimulée, et donc peuvent être utilisés comme composants de base d'un laser [108,109]. Nous pouvons donc, à condition de connaître la structure exacte des cristaux, utiliser ceux-ci comme source pour l'opto-électronique. Le contrôle de la croissance de nanofils pourrait aussi être utilisé dans une nouvelle génération de senseurs biologiques [110].

Des expériences de dépôt sur un substrat soumis à un champ électrostatique supplémentaire ont montré que les structures des couches obtenues étaient très différentes. Nous pourrions donc ajouter un mécanisme de contrôle sur la polarisation du substrat. En effet pour des dépôts dans un champ électrostatique, il est possible de contrôler l'énergie d'impact des agrégats chargés sur la surface. Il est donc possible de détruire les structures qui ne sont pas suffisamment stables en les accélérant sur le substrat. Seules les structures de stabilité suffisante ne seraient pas détruites lors de l'impact. Une compréhension détaillée de ce mécanisme peut être obtenue avec nos simulations de dynamiques moléculaires.

Une avancée des méthodes de simulation semi-empirique serait aussi très utile. Il serait intéressant de programmer les paramétrisations d'atomes de carbone et d'oxygène dans notre algorithme de croissance. De cette façon, il nous serait possible d'avoir une meilleure idée des matériaux qu'il serait possible de créer avec des autres gaz, comme le méthane par exemple [111,112]. En effet des études récentes ont montré la photoluminescence à température ambiante de dépôts de plasma de silane, méthane et hydrogène [113].

L'étude du dopage des structures obtenues ainsi que l'étude des films de silicium sont aussi des sujets qui se révèlent importants pour la réalisation des composants nanotechnologiques. Ainsi, il faudrait aussi voir comment les dopants se placent dans les composés de silicium, et la façon dont ils modifient la structure, la densité d'états ainsi que la valeur du niveau de Fermi.

Le contrôle de la forme et de la taille des nanostructures de silicium s'avère donc d'une portée technologique importante, et pourrait être effectué avec l'utilisation de plasma pulsé [114,115,116]. Le plasma pulsé permet un contrôle du temps de croissance des agrégats. En connaissant les concentrations des précurseurs des agrégats, nous pouvons estimer le nombre d'atomes moyen des agrégats formés. La coupure du plasma pendant un temps suffisant pour vider son contenu permet de recommencer une nouvelle croissance d'agrégats avec le même temps de croissance, et donc avec une même distribution de taille. Le contrôle de durée de la tension RF du plasma peut donc servir de sélecteur sur la taille des nanocristaux que nous voulons former. De plus, comme nous l'avons montré dans cette thèse, différents composés chimiques d'un même atome peuvent avoir des influences différentes. Par exemple, l'hydrogène atomique chauffe les agrégats, alors que l'hydrogène moléculaire les refroidit. Cependant, les taux de dissociations de silane et d'hydrogène sont couplés. Par exemple, l'hydrogène atomique ne peut pas survivre longtemps en présence de silane. Ainsi, un moyen que nous pouvons proposer pour cristalliser les agrégats consiste à séparer les chambres de plasma en deux : une pour la croissance des agrégats, et une autre avec de l'hydrogène pour la cristallisation. De cette façon, nous pourrions dissocier indépendamment tous les réactifs les uns des autres, et ainsi obtenir un paramètre de contrôle supplémentaire extrêmement important pour la morphogénèse des nanostructures en réacteur plasma.

Ainsi, la simulation a fourni des résultats intéressants qui nous permettent d'entrevoir de nouvelles méthodes expérimentales. Nous pouvons donc voir que le contrôle nanotechnologique du silicium est à notre portée, mais il reste à améliorer le contrôle des flux dans le plasma, le réglage des tensions RF du plasma ainsi que la façon de concevoir les réacteurs avant de pouvoir rentrer dans cette nouvelle ère.

quentin 2007-09-05