Vers la croissance des nanofils

Notre étude de la dynamique moléculaire a fait apparaître une structure tubulaire, plus stable que les autres, que nous allons maintenant étudier [104]. D'abord, nous avons testé la stabilité thermique de cette structure. Pour se faire nous avons chauffé la structure afin de connaître sa limite de stabilité. A cette fin, nous avons chauffé cette structure très progressivement et donc sur des échelles de temps très longues. Ainsi, notre problème de temps de calcul réapparaît. N'oublions pas que nos travaux sont à la limite de ce qui est faisable avec les ordinateurs actuels. Par conséquent, nous avons limité notre étude à deux températures. A 2000 K, nous voyons que la topologie de la structure reste fixe même après une durée de 1000 ps, ce qui est suffisamment long pour admettre que notre structure est stable à cette température. En augmentant la température à 2000 K, nous voyons que la structure est fortement modifiée au bout de 12 ps et qu'elle est détruite entièrement après 15 ps (Fig 5.15). Ainsi, nous pouvons prédire que la limite de stabilité thermique de notre structure est comprise entre 1200 K et 2000 K. Ainsi, cette structure est stable dans les conditions de température qui règnent dans le réacteur plasma.

Figure 5.15: Nous vérifions la stabilité d'un agrégat $ Si_{19}H_{12}$ en regardant les modifications de structure sous l'effet de la température. La structure, qui est toujours stable à 1200 K, est détruite très rapidement à 2000 K; (a) chauffé à 1200 K pendant 1000 ps, (b) chauffé à 2000 K pendant 12 ps et (c) chauffé à 2000 K pendant 15 ps.
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Nous avons décidé d'étudier cette structure très stable pour connaître ces propriétés. Le calcul de la structure de minimum d'énergie a montré l'existence d'un isomère de stabilité presque identique. Ainsi, la structure d'empilement d'anneaux dans lesquels les anneaux sont exactement superposés et la structure où les anneaux sont décalés de 30 degrés ont des énergies de liaison par atome qui ne diffèrent que de 0.12 eV/atome. L'étude DFT des niveaux électroniques de cette structure a aussi permis de voir que la différence d'énergie, entre l'énergie du dernier niveau électronique occupé (HOMO) et le premier niveau non occupé (LUMO), est de 1.3 eV. L'étude de la répartition des charges de cette structure à montré qu'elle possède un fort moment dipolaire. Nous pouvons en effet voir sur la figure (Fig 5.16) que la polarité de la structure tubulaire est de 1.9 Debye. Cette polarité va avoir pour effet d'orienter la structure sous l'effet d'un champ électrostatique. Ainsi, le champ électrostatique que va créer une de ces structures va pouvoir orienter spatialement une autre de ces structures et va donc pouvoir former des structures plus grandes par assemblage de plusieurs de ces sous-structures.

Figure 5.16: (a) Densité électronique calculée avec une méthode "Self-Consistent Field". L'échelle, donnée en unités atomique, correspond à un moment dipolaire de 1.9 Debye. (b) Contour selon une coupe longitudinale. (c), (d), et (e) Contours selon des coupes transversales.
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L'existence de nanofils de silicium, que nous pouvons voir comme l'équivalent de nanotubes de carbone qui seraient remplis, nous suggère, que les structures que nous avons obtenues pourraient être les constituants de base de ces nanofils. Quand nous supprimons les atomes d'hydrogène de l'un des bords de la structure, nous formons des liaisons pendantes qui peuvent permettre de former, avec une structure identique, une structure formée d'un empilement de ces deux blocs [105]. Le résultat d'un calcul de la structure de minimum d'énergie est représentée sur la figure  5.17. En effet des études de stabilité d'assemblage de ces structures de base entres elles ont montré que des fils composés de plusieurs de ces blocs sont aussi des structures de minimum d'énergie. De plus, le calcul de la répartition des charges de cette nouvelle structure indique que cette nouvelle structure possède elle aussi un moment dipôlaire du même ordre de grandeur. Un nouveau bloc peut donc venir poursuivre le processus de capture pour allonger encore la structure jusqu'a créer un nanofil de silicium.

Figure 5.17: Un empilement de deux structures tubulaires de minimum d'énergie forme une structure qui est elle aussi une structure de minimum d'énergie.
\resizebox{100mm}{!}{\includegraphics{crist/crist/empilement.eps}}

Nous pouvons donc déduire de toutes nos investigations que ces structures devraient apparaître dans le plasma, dans le cas où nous pourrions avoir un fort taux de dissociation de l'hydrogène, et donc une forte proportion d'hydrogène atomique par rapport au silane. La croissance s'accompagnerait d'un chauffage important dû à l'hydrogène atomique, et donc seules les structures très stables, c'est à dire nos structures de base des nanofils, pourraient supporter le chauffage important provoqué par les réactions avec l'hydrogène atomique. Ainsi, en trouvant la possibilité de contrôler la concentration de l'hydrogène atomique, nous devons pouvoir créer efficacement ces structures dans le plasma. Nous voyons donc que le pilotage du plasma pour la fabrication de nanofils de silicium pourrait être un bon moyen industriel de production de nanofils par rapport à d'autres techniques, comme l'ablation laser [106], qui sont plus coûteuses en énergie et difficiles à mettre en oeuvre.

quentin 2007-09-05