Aspects quantiques dans la dynamique moléculaire

Nous avons passé en revue tous les outils nécessaires pour faire le calcul quantique de la structure électronique des molécules dans le chapitre 2. Ici, nous présentons une étude dynamique, et non plus statique, afin d'explorer la cinétique des réactions chimiques lors de la croissance des nanostructures dans le plasma. La plupart des études effectuées dans le passé sont surtout basées sur les structures de minimum d'énergie [54,55,56], cependant ces structures ne représentent pas toujours la réalité. Pour effectuer l'étude dynamique, nous pourrions déduire le mouvement des atomes par des méthodes totalement quantiques, c'est-à-dire en résolvant l'équation de Schrödinger dépendante du temps $ H\psi=i\hbar \frac{\partial \psi}{\partial t}$ mais nous serions limités par des temps de calcul qui nous confineraient à des systèmes de quelques atomes. Pour étudier de plus grands systèmes, nous avons opté pour une méthode classique de calcul de trajectoires pour les noyaux, couplée à une méthode de calcul quantique de structure électronique. Les noyaux se déplacent donc "classiquement" dans le potentiel des électrons qui, lui, est calculé par les méthodes quantiques semi-empiriques (PM3). De cette façon nous n'avons pas besoin de connaître la forme du potentiel ressenti par les atomes voisins. La force de liaison est dépendante de l'état électronique des atomes mis en jeu. En effet, l'enthalpie de formation pour une liaison $ \sigma$ est différente de celle pour une liaison $ \pi$ . Dans notre simulation, nous calculons l'énergie électronique pour les différents états possibles, et nous considérons que les électrons se placent dans l'état de minimum d'énergie. Le type de liaison est donc déduit automatiquement par la méthode du champ auto-cohérent, et donc les liaisons sont formées spontanément à partir de l'état des atomes qui y participent [57].

La forme des courbes de potentiels que nous utiliserons par la suite dans notre calcul de la dynamique moléculaire permet déjà de savoir si les approximations que nous avons faites précédemment sont réalistes ou totalement incohérentes dans notre cas de système silicium-hydrogène. Nous pouvons ainsi vérifier que nous avons un bon accord, étant données les approximations semi-empiriques, entre les potentiels pour des petits systèmes trouvés avec les approximations PM3, et les potentiels trouvés avec un plus haut niveau de théorie. Par plus haut niveau de théorie, nous avons pris l'exemple de la méthode "coupled clusters" (CCSD(T)) qui prend explicitement en compte les corrélations électroniques, alors que dans la simulation de type PM3 ces corrélations sont estimées à partir des données expérimentales.

Figure 4.1: Comparaison de courbes de potentiel pour la liaison $ Si^+-H$ , obtenues suivant différentes méthodes.
\resizebox{100mm}{!}{\includegraphics{growth/inject/pes_sih.eps}}

Dans la figure 4.1, nous comparons l'énergie potentielle $ V(r_{ij})$ d'une molécule Si-H obtenue avec les deux méthodes différentes: semi-empirique PM3 et "coupled clusters". L'utilisation de la méthode "coupled clusters" avec deux bases de fonction d'onde différentes donne des résultats similaires. La méthode "coupled clusters" consiste à écrire la fonction d'onde comme une combinaison de déterminants de Slater. Cette combinaison linéaire est constituée du déterminant de Slater de la méthode de Hartree-Fock, et du déterminant de Slater des états de double excitation des fonctions d'onde de l'état fondamental des atomes. La méthode "coupled clusters" est donc plus précise que la méthode semi-empirique PM3.

Figure 4.2: Surface de potentiel pour la molécule $ H-Si^+-H$ calculé avec la méthode PM3.
\resizebox{130mm}{!}{\includegraphics{growth/inject/pm3.eps}}

Figure 4.3: Surface de potentiel pour la molécule $ H-Si^+-H$ calculé avec la méthode "coupled clusters".
\resizebox{130mm}{!}{\includegraphics{growth/inject/ccsd_t.eps}}
Nous remarquons que la distance d'équilibre est presque identique. Seul le potentiel de répulsion diffère légèrement entre les deux méthodes. Cependant les réactions chimiques ont lieu à température ambiante (400K) et donc les collisions entres atomes sont suffisamment peu violentes pour que cette partie du potentiel puisse intervenir. Ainsi, le minimum de cette courbe d'énergie potentielle sera surtout important pour notre simulation, et comme nous pouvons le voir sur la figure 4.1, les minima calculés par les deux méthodes sont identiques. De la même façon nous pouvons comparer les surfaces de potentiel de la molécule $ H-Si^+-H$ par ces même méthodes. Ces surfaces de potentiel sont obtenues en calculant l'énergie potentielle pour la molécule $ H-Si^+-H$ en faisant varier les distances entres les atomes. Ainsi, en partant de la configuration géométrique correspondant au minimum d'énergie, on peut faire varier alternativement les distances entre les atomes Si et H d'une part, et la distance entre les deux atomes H d'autre part, on peut explorer tout le plan et obtenir le potentiel pour toutes les molécules planes possibles. En effet, il ne faut que trois points pour définir un plan. Nous obtenons ainsi deux axes représentant la distance entre l'atome de silicium et l'un des deux atomes d'hydrogène, et la distance entre les deux atomes d'hydrogène. Le troisième axe représente la valeur de l'énergie potentielle pour ces deux distances. En comparant la surface de potentiel obtenue avec notre méthode semi-empirique (PM3) avec la surface de potentiel obtenue avec la méthode de plus haut niveau de théorie "coupled clusters" (CCSD), nous pouvons voir la similitude entre les surfaces de potentiel. Les deux surfaces montrent l'accord entre les potentiels obtenus autant dans le cas monoatomique (Fig 4.1) que dans le cas polyatomique (Fig 4.2 et Fig 4.3).
Nous voyons donc que l'utilisation d'un potentiel de type PM3 permet une reproduction suffisamment correcte des potentiels d'interaction entre atomes de silicium et d'hydrogène. Pour effectuer la simulation d'une trajectoire, nous utilisons un algorithme de Gear de cinquième ordre dans lequel nous choisissons un pas de temps typique de 0.01 fs. Une réaction chimique peut prendre entre 0.1 ps et 100 ps selon qu'il y ait formation de complexes intermédiaires dans la réaction ou non. En effet, il arrive qu'un des atomes entre en orbite complexe avec les autres. Ce comportement est très instable et peut mettre longtemps pour se stabiliser. Nous avons même observé des trajectoires pour lesquelles un atome sortait de la molécule après 70 ps, ce qui est un temps très long pour une réaction chimique. Ainsi, en choisissant un pas de temps approprié, il devient donc possible de calculer les trajectoires des noyaux des atomes, et de déduire les molécules formées lors d'une réaction chimique. Avec le stockage des données calculées au cours d'une trajectoire, nous pouvons avancer où reculer à souhait dans le temps, et nous pouvons mesurer toutes les propriétés qui nous paraissent significatives, aussi bien tout au long d'une trajectoire, qu'à un instant précis.

quentin 2007-09-05